
L’accompagnement pédagogique au XXIème siècle, loin de la dialectique du Maître et de l’Esclave ?
Différentes études démontrent que l’accompagnement comprend une multitude de synonymes et dérivés, associés pour la plupart à toutes les formes possibles de relation entre un guide et un protégé. Ainsi, lui sont associés le coaching, le counselling, le tutorat, le guidage, le parrainage, la supervision ou encore, le mentorat. Ces nombreuses dénominations ont pourtant un intérêt commun tirant son origine d’un désir bienveillant de rediriger autrui dans son souhait d’évolution et de changement. Le chercheur Duschesne précise que ces termes regroupent un ensemble de conseils et prises de décisions communes entre deux individus, où celui qui fait office de guide indique le chemin à son partenaire, tout en marchant à ses côtés, sans qu’il ne se sente jamais dirigé, oppressé ou que des décisions lui soient imposées. (Duchesne : 2010)
D’après le chercheur Le Bouëdec, ce besoin d’accompagnement émerge d’un désir d’être en relation avec autrui, de se rassurer, de rompre l’isolement et d’obtenir un avis extérieur prenant ainsi parti à une situation, dans le but ultime de donner un sens à sa vie. Ce besoin survient généralement lors d’une situation de désespoir, de rupture, de crise ou de remise en question ayant pour intérêt commun un désir de changement et d’évolution (licenciement, diagnostic d’une maladie grave, séparation d’un couple, deuil...). Ainsi, l’accompagnement se présente dans le cadre de situations dans lesquelles il y a un acteur principal qui, d’une manière ou d’une autre, émet le souhait « d’être écouté, soutenu, protégé ou honoré » (Le Bouëdec : 2001), afin de lui permettre, in fine, d’atteindre son but d’épanouissement personnel ou professionnel. Tout comme Duchesne, Le Bouëdec précise également qu’en aucun cas il ne s’agit de le diriger ni de prendre sa place sur le devant de la scène, puisque cette position du mentor ne doit pas donner lieu à une domination manifestée sous toutes les formes qu’elle soit. Le mentor n’est pas la figure de celui qui sait, tout comme le savant n’est pas ipso facto un maître : il représente une manière de se rapporter au savoir, qui le rend apte à la transmission.
Conséquemment, le travail d’un mentor exige d’accomplir certaines tâches avec compétence, telles que l’absence de jugement de valeur, ainsi qu’un soutien professionnel et émotionnel (Edwards et Gordon : 2006). Le mentor doit, dès lors, démontrer suffisamment de leadership pour jouer avec efficacité son rôle de guide auprès du mentoré tout en faisant preuve de la retenue qui est nécessaire pour permettre à ce dernier de jouir de l’autonomie et du libre arbitre qui lui appartiennent. Le Bouëdec précise que le rôle du mentor dans la relation d’accompagnement consiste à accueillir l’autre (en s’ajustant et en acceptant ce qu’il vit et ce qu’il dit), l’écouter (en manifestant à son égard de l’empathie), participer avec lui au sens de ce qu’il vit et désir, et cheminer à ses côtés pour le confirmer dans le nouveau sens où il s’engage, en le rassurant à propos des décisions qu’il prend. (Le Bouëdec : 2001)
Le mentorat étant un processus complexe, l’échec y est parfois observé, particulièrement chez les personnes désireuses d’asseoir leurs autorités et l’utiliser au détriment de l’accompagné, qui, manipulé à ses dépend pour servir les intérêts d’autrui, se façonne sa propre dépendance au sein d’une relation de non-développement n’aboutissant pas à son épanouissement escompté. De telles pratiques ont fait l’objet de critiques dénonçant un dogmatisme fabriquant des clones, ou bien encore un phénomène d’aliénation à des figures d’autorité conduisant à la servitude volontaire. Cette domination dont le but est d’amener le disciple à sa propre maîtrise, se rapporte à la dialectique du Maitre et de l’Esclave d’Hegel, qui explique qu’il n’y a de maître que lorsqu’il y a des disciples, et que le maître le devient souvent dans des circonstances imprévues, alors que les deux parties ne s’en aperçoivent pas, (Kieffer : 2013) puisque les milieux où ce type de relation est parfaitement visible et établi concernent le système scolaire et le monde de l’entreprise.
L’accompagnement s’applique à de nombreuses situations permettant l’épanouissement personnel et professionnel de l’employé et, selon Cuerrier, il contribue au succès de la planification et du développement de carrière, de l’insertion professionnelle, du développement de l’entrepreneurship, des transitions professionnelles, du développement des compétences, du soutien aux jeunes professionnels et aux cadres supérieurs ainsi qu’à celui du maintien à l’emploi. De plus, le mentorat soutient les personnes dans leur prise de décision vocationnelle et les aide à définir leur projet professionnel à plus long terme (Cuerrier : 2004). Néanmoins, s’il est coutume de saluer le rôle de celui qui conseille, le rôle du mentoré tient une place également cruciale dans la réussite du processus. Beauvais affirme qu’« au-delà de la responsabilité de ses choix et de ses actes, l’accompagné est également responsable de l’usage qu’il choisit de faire du cadre d’accompagnement qui lui est proposé ». (Beauvais : 2004) Ce dernier se doit d’admettre qu’il chemine activement dans la relation mentorale et que cette relation opère de façon bilatérale, c’est-à-dire qu’il y a contribution de part et d’autre, de l’un vers l’autre, ensemble et dans un même but. Il incombe dès lors au mentoré, tout comme au mentor, une part de responsabilité dans l’établissement d’une relation mentorale de qualité et celle-ci requiert un engagement actif et réciproque de la part des deux parties.
La référence à « la dialectique du maître et de l’esclave » en tant que lutte des consciences pour affirmer sa propre conscience de soi, comme seule grille de lecture pour interpréter toute relation de domination est significative, puisque l’autorité du maître représente une forme de tutelle dont il est recommandé de s’affranchir. Ce qui prévaut désormais, est le désir de s’éprouver soi-même et d’avancer pour acquérir son épanouissement professionnel ou personnel, ce qui n’a, en effet, plus grand-chose à voir avec les objectifs définis par le philosophe Hegel dans « Dialectique du Maître et de l’Esclave » en 1807.
Justine Robinet
𝘉𝘪𝘣𝘭𝘪𝘰𝘨𝘳𝘢𝘱𝘩𝘪𝘦 :
𝘉𝘦𝘢𝘶𝘷𝘢𝘪𝘴, 𝘊. 𝘝𝘦𝘳𝘴 𝘶𝘯𝘦 𝘦́𝘵𝘩𝘪𝘲𝘶𝘦 𝘥𝘦 𝘭’𝘢𝘤𝘤𝘰𝘮𝘱𝘢𝘨𝘯𝘦𝘮𝘦𝘯𝘵. 𝘈𝘤𝘵𝘦𝘴 𝘥𝘦 𝘭𝘢 7𝘦 𝘉𝘪𝘦𝘯𝘯𝘢𝘭𝘦 𝘥𝘦 𝘭’𝘦́𝘥𝘶𝘤𝘢𝘵𝘪𝘰𝘯 𝘦𝘵 𝘥𝘦 𝘭𝘢
𝘧𝘰𝘳𝘮𝘢𝘵𝘪𝘰𝘯, 2004
𝘊𝘶𝘦𝘳𝘳𝘪𝘦𝘳, 𝘊. 𝘓𝘦 𝘮𝘦𝘯𝘵𝘰𝘳𝘢𝘵 𝘢𝘱𝘱𝘭𝘪𝘲𝘶𝘦́ 𝘢𝘶 𝘮𝘰𝘯𝘥𝘦 𝘥𝘶 𝘵𝘳𝘢𝘷𝘢𝘪𝘭 : 𝘢𝘯𝘢𝘭𝘺𝘴𝘦 𝘲𝘶𝘦́𝘣𝘦́𝘤𝘰𝘪𝘴𝘦 𝘦𝘵 𝘤𝘢𝘯𝘢𝘥𝘪𝘦𝘯𝘯𝘦. 𝘊𝘢𝘳𝘳𝘪𝘦́𝘳𝘰𝘭𝘰𝘨𝘪𝘦, 2004
𝘋𝘶𝘤𝘩𝘦𝘴𝘯𝘦, 𝘊. 𝘓’𝘦́𝘵𝘢𝘣𝘭𝘪𝘴𝘴𝘦𝘮𝘦𝘯𝘵 𝘥’𝘶𝘯𝘦 𝘳𝘦𝘭𝘢𝘵𝘪𝘰𝘯 𝘮𝘦𝘯𝘵𝘰𝘳𝘢𝘭𝘦 𝘥𝘦 𝘲𝘶𝘢𝘭𝘪𝘵𝘦́ : 𝘢̀ 𝘲𝘶𝘪 𝘭𝘢 𝘳𝘦𝘴𝘱𝘰𝘯𝘴𝘢𝘣𝘪𝘭𝘪𝘵𝘦́ ? 𝘔𝘤𝘎𝘪𝘭𝘭
𝘑𝘰𝘶𝘳𝘯𝘢𝘭 𝘰𝘧 𝘌𝘥𝘶𝘤𝘢𝘵𝘪𝘰𝘯 / 𝘙𝘦𝘷𝘶𝘦 𝘥𝘦𝘴 𝘴𝘤𝘪𝘦𝘯𝘤𝘦𝘴 𝘥𝘦 𝘭'𝘦́𝘥𝘶𝘤𝘢𝘵𝘪𝘰𝘯 𝘥𝘦 𝘔𝘤𝘎𝘪𝘭𝘭, 2010
𝘌𝘥𝘸𝘢𝘳𝘥𝘴, 𝘑. 𝘓. 𝘦𝘵 𝘎𝘰𝘳𝘥𝘰𝘯, 𝘚. 𝘔. 𝘠𝘰𝘶 𝘴𝘩𝘰𝘶𝘭𝘥—𝘐 𝘴𝘩𝘰𝘶𝘭𝘥: 𝘔𝘦𝘯𝘵𝘰𝘳𝘪𝘯𝘨 𝘳𝘦𝘴𝘱𝘰𝘯𝘴𝘪𝘣𝘪𝘭𝘪𝘵𝘪𝘦𝘴 𝘢𝘴 𝘱𝘦𝘳𝘤𝘦𝘪𝘷𝘦𝘥 𝘣𝘺 𝘧𝘢𝘤𝘶𝘭𝘵𝘺, 𝘢𝘭𝘶𝘮𝘯𝘪, 𝘢𝘯𝘥 𝘴𝘵𝘶𝘥𝘦𝘯𝘵𝘴. 𝘈𝘤𝘵𝘦𝘴 𝘥𝘦 𝘭’ 𝘈𝘮𝘦𝘳𝘪𝘤𝘢𝘯 𝘌𝘥𝘶𝘤𝘢𝘵𝘪𝘰𝘯𝘢𝘭 𝘙𝘦𝘴𝘦𝘢𝘳𝘤𝘩, 𝘈𝘴𝘴𝘰𝘤𝘪𝘢𝘵𝘪𝘰𝘯, 𝘚𝘢𝘯 𝘍𝘳𝘢𝘯𝘤𝘪𝘴𝘤𝘰, 𝘊𝘈. 2006
𝘏𝘦𝘨𝘦𝘭, 𝘋𝘪𝘢𝘭𝘦𝘤𝘵𝘪𝘲𝘶𝘦 𝘥𝘶 𝘔𝘢𝘪𝘵𝘳𝘦 𝘦𝘵 𝘥𝘦 𝘭’𝘌𝘴𝘤𝘭𝘢𝘷𝘦, 𝘓𝘢 𝘗𝘩𝘦́𝘯𝘰𝘮𝘦́𝘯𝘰𝘭𝘰𝘨𝘪𝘦 𝘥𝘦 𝘭'𝘌𝘴𝘱𝘳𝘪𝘵, 1807
𝘒𝘪𝘦𝘧𝘧𝘦𝘳, 𝘔. 𝘔𝘢𝘪̂𝘵𝘳𝘦 & 𝘥𝘪𝘴𝘤𝘪𝘱𝘭𝘦 : 𝘭𝘦𝘴 𝘳𝘦𝘭𝘢𝘪𝘴 𝘥𝘶 𝘴𝘢𝘷𝘰𝘪𝘳 𝘥𝘦𝘴 𝘱𝘳𝘦𝘮𝘪𝘦𝘳𝘴 𝘵𝘩𝘦́𝘰𝘳𝘪𝘤𝘪𝘦𝘯𝘴 𝘢̀ 𝘯𝘰𝘴 𝘫𝘰𝘶𝘳𝘴, 2013
𝘓𝘦 𝘉𝘰𝘶𝘦̈𝘥𝘦𝘤, 𝘎. (2001). 𝘜𝘯𝘦 𝘱𝘰𝘴𝘵𝘶𝘳𝘦 𝘴𝘱𝘦́𝘤𝘪𝘧𝘪𝘲𝘶𝘦. 𝘝𝘦𝘳𝘴 𝘶𝘯𝘦 𝘥𝘦́𝘧𝘪𝘯𝘪𝘵𝘪𝘰𝘯 𝘰𝘱𝘦́𝘳𝘢𝘵𝘰𝘪𝘳𝘦. 𝘋𝘢𝘯𝘴 𝘓𝘦 𝘉𝘰𝘶𝘦̈𝘥𝘦𝘤, 𝘎., 𝘋𝘶 𝘊𝘳𝘦𝘴𝘵, 𝘈., 𝘗𝘢𝘴𝘲𝘶𝘪𝘦𝘳, 𝘓. 𝘦𝘵 𝘙. 𝘚𝘵𝘢𝘩𝘭. (2001). 𝘓’𝘢𝘤𝘤𝘰𝘮𝘱𝘢𝘨𝘯𝘦𝘮𝘦𝘯𝘵 𝘦𝘯 𝘦́𝘥𝘶𝘤𝘢𝘵𝘪𝘰𝘯 𝘦𝘵 𝘧𝘰𝘳𝘮𝘢𝘵𝘪𝘰𝘯 : 𝘜𝘯 𝘱𝘳𝘰𝘫𝘦𝘵 𝘪𝘮𝘱𝘰𝘴𝘴𝘪𝘣𝘭𝘦 ? 𝘗𝘢𝘳𝘪𝘴 : 𝘓’𝘏𝘢𝘳𝘮𝘢𝘵𝘵𝘢𝘯, 2001

Dato un tempo infinito, con infinite circostanze ed infiniti mutamenti, è impossibile non comporre, almeno una volta, l’Odissea.
[J.L. Borges]

“Uomo, nessuno ha mai misurato la profondità dei tuoi abissi; mare, nessuno conosce le tue ricchezze segrete, tanto siete gelosi di conservare il vostro mistero.”
Baudelaire